Toujours dans le but de sensibiliser un maximum de personnes à la nécessité du dépistage des différents types de cancers, l’ICPF, en parallèle du projet Tarona Tere, intervient dans les entreprises et administrations locales.
Des moments en petits comités afin de favoriser la prise de parole et la confidentialité. © ICPF
Aller vers les gens
Parallèlement aux campagnes de sensibilisation Octobre Rose, Juin Vert, Mars Bleu ou Movember, et pour renforcer son action, l’ICPF va encore plus loin.
L’Institut intervient directement en entreprises et dans les services administratifs du Territoire. L’objectif de cette initiative est d’aller vers les personnes qui ne seraient pas venues spontanément chercher les informations.
Car le constat est insuffisant du côté de l’ICPF : les campagnes n’atteignent pas les objectifs fixés puisque le taux de dépistage du cancer en Polynésie stagne aux alentours de 40 % seulement. Aller vers les gens, c’est augmenter les chances de les voir franchir un cap : celui de se faire dépister.
Une heure pour s’informer, s’éduquer et poser des questions autour du dépistage du cancer du col de l’utérus. © ICPF
Une équipe mixte
Pour mener à bien cette mission, l’ICPF a monté une équipe mixte, c’est-à-dire, composée d’un homme et d’une femme : le docteur Laurent Stien, ancien gynécologue obstétricien aujourd’hui médecin de santé publique, et Laure Kerleo, infirmière chargée de projets en santé publique. Tous deux dirigeront les interventions d’environ 1 heure au sein des entreprises ayant répondu à la proposition de l’ICPF.
En 2023, 4 entreprises et 1 administration ont ainsi bénéficié des séances de sensibilisation animées par l’infirmière du Pôle dépistage Sophie Lauriol. 350 salariés ont pu, dans des groupes anonymes et mixtes constitués sur la base du volontariat, recevoir des informations, échanger avec les professionnels de l’Institut, poser les questions qui les taraudaient, mettre à jour leurs connaissances. En 2024, Laure et Laurent iront à nouveau la rencontre des personnes désireuses d’en apprendre plus sur le sujet du dépistage des cancers. Disposer d’un homme et d’une femme est une force pour l’ICPF car, pour certains, la gêne peut être présente lorsqu’il s’agit de parler d’intimité avec une personne de sexe opposé.
Le docteur Laurent Stien, ancien gynécologue obstétricien aujourd’hui médecin de santé publique, va intervenir en entreprise avec Laure Kerleo.
Prévention et ouverture
Le message clé que Laurent Stien et Laure Kerleo souhaitent véhiculer est que le dépistage est un acte sain de prévention du cancer et de préservation de la santé.
Les petits groupes avec lesquels ils interagissent sont un format idéal car chacun a l’opportunité de parler. Lors de leurs interventions, les équipes de l’ICPF varient les supports : diaporamas, vidéos, quizz de connaissances, questionnaire de validation des connaissances reçues, temps de paroles, questions réponses… le but est que la session d’une heure soit vivante et dynamique.
Ce n’est en rien un cours magistral : ça a peu d’intérêt si je les assomme de savoirs universitaires pendant une heure. Je souhaite véritablement une cohésion de groupe, une interaction, de la connivence, explique le docteur Stien.
Je suis ouvert aux échanges car mon but est entièrement de faire comprendre que les cancers sont évitables si dépistés précocement, notamment le cancer du col de l’utérus. Bien que nos interventions soient axées sur les cancers féminins, du fait de la saine présence d’homologues masculins dans les groupes, nous abordons ouvertement les questions relatives aux cancers colorectaux et de la prostate par exemple, poursuit-il.
Diffuser pour enrayer
Au stade de connaissances où nous en sommes concernant le cancer du col de l’utérus, c’est insupportable pour moi qu’il y en ait encore autant. Les moyens de prévention et de dépistage, nous les avons. C’est donc majoritairement une question de déficit d’informations à combler.
Pour Laurent Stien, fervent militant de la prévention des cancers du col de l’utérus et de leur dépistage, les interventions au sein de l’ICPF lui donnent de l’espoir : celui de diffuser massivement les informations simples et essentielles pour enrayer ce type de maladie féminine.
La prévention passe par la vaccination contre les infections à papillomavirus humain des garçons et filles de 11 à 14 ans. Mais plus âgés, cela est toujours possible car le vaccin cible 9 souches différentes de papillomavirus. Le dépistage, quant à lui, se fait par simple frottis. Le cancer du col de l’utérus est silencieux, c’est-à-dire qu’il ne présente des symptômes que lorsque le cancer est à un stade avancé.
Sophie Lauriol, infirmière au Pôle coordination de l’ICPF, était en charge des interventions en entreprises en 2023. © ICPF
Les femmes doivent généralement subir des chirurgies lourdes et possiblement invalidantes pour rester en vie. Les frottis, effectués tous les 3 ans, permettent de déceler des lésions pré-cancéreuses qui sont, elles, facilement traitables, explique le médecin de santé publique.
Les frottis, effectués tous les 3 ans, permettent de déceler des lésions pré-cancéreuses qui sont, elles, facilement traitables, explique le médecin de santé publique.
Faire remonter le taux de dépistage
Les chiffres polynésiens montrent que le taux de dépistage par frottis des cancers du col de l’utérus baisse à mesure que les femmes prennent de l’âge. En effet, les femmes actives sexuellement et/ou sous contraceptif se rendent régulièrement chez leur gynécologue, que ce soit pour des visites de routine ou des renouvellement d’ordonnance. Il est alors aisé pour les docteurs en gynécologie de leur proposer un frottis.
Mais une fois que les vahine estiment ne plus avoir besoin des services d’un gynécologue, elles ne consultent plus et le dépistage par frottis est inexistant. C’est bien là le danger. Lorsqu’elles prennent à nouveau rendez-vous, c’est souvent car elles constatent des anomalies sur leur corps.
Dans le cas d’un cancer du col de l’utérus, cela signifie qu’il est déjà installé. C’est pourquoi j’insiste et encourage les femmes à continuer de se rendre chez leur médecin généraliste, gynécologue ou sage-femme, pour effectuer des frottis tous les 3 ans, quel que soit leur âge et leur activité sexuelle. Cela pourrait leur sauver la vie, tout simplement, précise Laurent Stien.
Au travers des interventions en entreprises et administrations locales, l’ICPF compte bien faire remonter le taux de dépistage des cancers en Polynésie. L’objectif est de passer de 40 à 80 % sur les prochaines années.
Qui participe ?
Les interventions de l’Institut du cancer de Polynésie française sont possibles grâce au Club des entreprises de la Ligue contre le cancer.
Le monde économique participe ainsi à la prévention des cancers en intégrant les interventions de l’ICPF et l’incitation au dépistage dans la politique RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise) des sociétés. L’intérêt est double : avoir des salariés en bonne santé et réduire les coûts de santé publique. Car un patient pris en charge précocement nécessite généralement des soins moindres sur une durée plus courte, ce qui allège considérablement les coûts de santé.
Le Club des entreprises est une entité récente créée en 2023 et sur laquelle s’appuie l’ICPF pour organiser ses interventions. En effet, le pôle Communication de l’Institut adresse une proposition au Club, qui la relaye aux entreprises adhérentes. Ces dernières sont donc totalement libres d’organiser des rencontres entres les équipes de l’ICPF ou non. En 2023, la Socredo, l’Intercontinental, la BT, la DICP et Newrest ont participé à ces sessions d’échanges autour de la prévention et du dépistage des cancers.
Perspectives de développement
L’enthousiasme des équipes de l’ICPF et leur volonté d’apporter une aide significative dans la lutte contre le cancer en Polynésie augurent de belles perspectives de développement. Ainsi, Laurent Stien et Laure Kerleo souhaiteraient mobiliser davantage les administrations du Pays et se déployer dans les îles, même si, pour l’heure, les actions portent uniquement sur Tahiti.
Car l’idée est véritablement de diffuser les connaissances pour faire reculer le manque d’informations et encourager au dépistage. Si actuellement les interventions se font lors des campagnes de sensibilisation, à savoir en octobre et en juin, la volonté est de proposer ce programme à l’année.
Ainsi, l’ICPF pourrait étendre son réseau et toucher encore plus de monde afin de continuer à porter le message à un maximum de personnes.
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