Autopsom, tel est le nom de l’enquête épidémiologique baptisée qui va être menée en outre-mer pour identifier le risque suicidaire sur 2022 et 2024. La Polynésie française y participe. Une équipe coordonnée par la psychologue Maya Rereao a été constituée.
Autopsom est l’acronyme de : Apport de l’autopsie psychologique à la compréhension des conduites suicidaires en outre-mer.
Cette étude, à l’initiative de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), va se dérouler en 2022 et 2024 dans différents territoires d’outre-mer : la Polynésie, mais aussi, La Réunion, la Guyane et la Martinique. Un site en France, à Amiens, sert de référence. Sur chaque territoire, 25 à 30 cas seront étudiés.
Objectifs
L’étude vise à identifier des facteurs de risque suicidaire communs ou spécifiques sur ces territoires, à décrire de nouveaux facteurs de risque parmi les facteurs socioculturels afin de mettre en place des programmes de prévention plus adaptés.
À terme, une coordination du monitorage des suicides pourrait voir le jour, ainsi une surveillance épidémiologique sera possible. Il s’agirait de créer une sorte d’observatoire, toujours dans un souci de prévention. Une attention sera portée à la violence comme facteur traumatique favorisant le suicide (les violences conjugales et celles faites aux enfants) ainsi qu’au lien entre le cancer et le suicide. Les premiers résultats sont attendus pour 2024.
Comprendre les circonstances
L’autopsie est, comme son nom l’indique, un examen médical. L’autopsie psychologique s’intéresse à l’aspect psychologique. Il repose sur des entretiens avec les proches du défunt et vise à connaître les circonstances entourant le décès, les diagnostics psychiatriques, le parcours de soin, les trajectoires de vie.
L’entretien dure plusieurs heures, il est une sorte de conversation semi-dirigée. Le travail des enquêteurs peut être complété par une lecture des dossiers médicaux et enquêtes de police s’ils y ont accès. L’une des spécialistes actuels au niveau mondial de l’autopsie psychologique est la professeure Monique Seguin qui travaille au Canada. Elle est venue début 2022 former l’équipe d’enquêteurs polynésienne. Celle-ci compte un psychiatre, quatre psychologues et une anthropologue, Simone Grand. Ce projet de recherche est dirigé par les Pr Louis Jehel et Stéphane Amadéo.
Si l’équipe connaît déjà plus ou moins les facteurs de risque sur les territoires, elle pense que certaines choses échappent encore aux professionnels.
Le fait qu’un psycholinguiste et une anthropologue soient associés est très innovant et précieux.
Chiffres-clés
La Polynésie française recense officiellement 30 à 40 morts par suicide par an. C’est la première cause de mortalité chez les adultes de 25-45 ans. Les tentatives de suicide, elles, sont estimées à plus de 200 par an. Cela touche plutôt les hommes.
Deux études ont déjà été menées sur le territoire pour faire un état des lieux de la situation, mieux comprendre les facteurs de risques qui peuvent mener au suicide. En 2006, START était réalisée sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’enquête s’est intéressée aux tentatives de suicide (Amadéo et al., 2016) et aux suicides aboutis (Amadéo et al., 2021) : facteurs de risques mettant en lumière un lien entre le suicide, la crise économique, les changements politiques.
Un autre composant s’intéressait à un dispositif de prévention (Amadéo et al., 2015), qui s’est prolongé par une enquête locale intégrant la culture polynésienne (Amadéo et al., 2020). Ces publications sont disponibles sur le site web : www.sossuicide.pf
L’étude de la santé mentale en population générale : images et réalités (SMPG) qui a été réalisée entre 2015 et 2017 a plutôt cherché à en savoir plus sur les représentations de la maladie psychiatrique en Polynésie et le risque suicidaire.
Il s’agissait d’une recherche-action internationale menée par l’association septentrionale d’épidémiologie psychiatrique (ASEP) et le centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille.
Cette étude en Polynésie française a eu comme premier soutien financier les Fonds
du Pacifique.
Les résultats sont en cours de publication. Ces enquêtes ont pu être faites grâce au soutien de l’association SOS Suicide, le CHPF, la CPS, le ministère de la Santé, l’ARASS et le procureur de la République.
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